Formes ordinaire et extraordinaire du Rite romain : un enrichissement mutuel

Formes ordinaire et extraordinaire du Rite romain : un enrichissement mutuel

L’expérience d’un missionnaire du diocèse de Suwon

L’aggiornamento liturgique – c’est-à-dire la mise à jour comportant un renouveau -, dont nous avons célébré le cinquantième anniversaire à la fin de l’année dernière (promulgation de la constitution sur la Liturgie Sacrosanctum Concilium, du 4 décembre 1963), a été en quelque sorte complété par le Motu proprio du Pape Benoît XVI Summorum Pontificum, du 7 juillet 2007, établissant la distinction de deux formes dans le même Rite romain : une forme dite « ordinaire », qui concerne les textes liturgiques révisés suivant les indications du concile Vatican II, et une forme dénommée « extraordinaire », qui correspond à la liturgie qui avait cours avant l’aggiornamento liturgique. Dans le rite romain ou latin, deux Missels sont donc actuellement en vigueur : celui de Paul VI, dont la troisième édition date de l’an 2002, et celui de Saint Pie V, dont la dernière édition, promulguée par le Bienheureux Jean XXIII, remonte à 1962. 

Dans la lettre aux évêques accompagnant le Motu proprio, le Pape Benoît XVI précisait bien que sa décision de faire coexister les deux Missels n’avait pas seulement pour but de satisfaire le désir de certains groupes de fidèles attachés aux formes liturgiques antérieures au concile Vatican II, mais aussi de permettre l’enrichissement mutuel des deux formes du même rite romain, c’est-à-dire non seulement leur coexistence pacifique, mais encore la possibilité de les perfectionner en mettant en évidence les meilleurs éléments qui les caractérisent. Il écrivait notamment que « les deux Formes d’usage du Rite Romain peuvent s’enrichir réciproquement: dans l’ancien Missel pourront être et devront être insérés les nouveaux saints, et quelques-unes des nouvelles préfaces… Dans la célébration de la Messe selon le Missel de Paul VI, pourra être manifestée de façon plus forte que cela ne l’a été souvent fait jusqu’à présent, cette sacralité qui attire de nombreuses personnes vers le rite ancien ». 

C’est dans cet esprit que, répondant la demande d’un groupe de fidèles laïcs coréens du groupe « Una Voce », j’ai accepté, depuis déjà quelques années, de célébrer la Messe selon la forme extraordinaire dans la chapelle de notre Foyer Saint Jean et Saint-Jacques, à Kunpo (diocèse de Suwon, dans la périphérie de Séoul), une ou deux fois par mois. L’élan spirituel impulsé par le Motu proprio du Pape Benoît XVI, à partir de la liturgie, est bien visible : les fidèles viennent nombreux, car ceux qui étaient encore habitués à participer à la Messe tridentine – relativement peu nombreux en Corée – ont été rejoints par des personnes, en particulier des jeunes, désireuses de découvrir l’autre forme du Rite romain. Nous faisons donc la belle expérience souhaitée par le Pape : une plus grande ferveur, qui rejaillit même sur les célébrations eucharistiques selon la forme ordinaire en langue coréenne, en particulier la redécouverte des attitudes d’adoration envers le Saint-Sacrement (agenouillement, génuflexion…), un plus grand recueillement, caractérisé notamment par ce silence sacré qui doit marquer les moments importants du Saint-Sacrifice pour permettre aux fidèles d’intérioriser le mystère de la foi qui est célébré… Il est vrai qu’il faut faire œuvre de pédagogie : expliquer les rites du Missel tridentin à ceux qui ne les connaissent pas encore, remettre un livret bilingue latin-coréen pour permettre aux fidèles de bien suivre la Messe… C’est une tâche très stimulante pour un prêtre, car il est conscient qu’il travaille au renouveau liturgique, et donc spirituel, voulu par le concile Vatican II, et auquel nous appelle avec vigueur le Pape François.

Dans la région de Séoul, nous sommes déjà trois ou quatre prêtres coréens et étrangers, qui célébrons selon les deux formes, et, surtout, il existe de nombreux jeunes prêtres coréens, et aussi des séminaristes, qui l’apprennent actuellement… Il y a aussi, par exemple, ce curé d’une paroisse de Séoul, qui a accueilli volontiers la demande de pouvoir célébrer la Messe tridentine dans sa paroisse, car, a-t-il dit, « je veux la montrer à mes paroissiens »… J’irai donc la célébrer, accompagné d’un groupe de fidèles de l’association « Una Voce ». Oui, comme le dit la constitution

Sacrosanctum Concilium du concile Vatican II, « la liturgie, par laquelle s’exerce l’œuvre de notre rédemption, contribue au plus haut point à ce que les fidèles, par leur vie, expriment aux autres le mystère du Christ et la nature authentique de la véritable Eglise » (n. 2).

Père Philippe Blot, MEP

La visite du Pape en Corée du Sud : un tsunami spirituel

La visite du Pape en Corée du Sud : un tsunami spirituel


Du 13 au 18 août dernier, Pape François s’est rendu pour la première fois en Asie du sud-est à l’occasion notamment des Journées Asiatiques de la Jeunesse, qui avaient lieu à Daejon. Ces cinq jours, très intenses, ont été marqués par de nombreuses rencontres et, en particulier, la cérémonie de béatification de 124 martyrs – Paul Yun Ji-Chung et ses 123 compagnons – en présence d’une foule d’un million de personnes réunies sur l’immense place Gwanghwamun, en plein cœur de la capitale, Séoul. Le Saint-Père lui-même a résumé son voyage apostolique en trois mots: «mémoire –espérance –témoignage». Les retombées positives de ce voyage sont déjà visibles: les curés ont pu constater avec étonnement et aussi une grande joie que beaucoup de catholiques non pratiquants ou pratiquants occasionnels, en particulier des jeunes, sont revenus dans les paroisses dès le dimanche qui a suivi la visite du Pape. Des files de pénitents, y compris des adolescents et de jeunes adultes, attendaient devant les confessionnaux pour recevoir le pardon de Dieu, une démarche que beaucoup avaient négligé ces dernières années pour s’adonner aux jeux vidéos, aux sorties et aux études… Les demandes d’entrée en catéchuménat se sont multipliées, y compris sur internet; en effet, les différents sites catholiques ont été submergés de demandes du type: «que doit-on faire pour devenir catholique?». Enfin, de nombreux paroissiens n’hésitent plus à s’engager au service des plus pauvres en offrant leurs services dans les différentes confréries et associations qui œuvrent en faveur de ceux que cette société d’abondance laisse sur le bord du chemin… Comment peut-on expliquer un regain de ferveur aussi soudain?


Le peuple coréen a accueilli chaleureusement le Pape, et, en retour, il a été très touché par les gestes délicats du Souverain Pontife à l’égard de tous ceux qu’il a rencontrés durant les cinq jours de sa visite. On peut dire que le Pape François a réussi à incarner le message chrétien, celui de l’amour et du pardon, ce qui constitue le plus beau témoignage que l’Eglise peut rendre en Asie. Voici quelques exemples de ces attentions: le Pape a reçu les parents des victimes du naufrage du Sewol, en arborant le ruban jaune, symbole du combat des parents pour connaître la vérité sur cette tragédie et obtenir justice; il n’a pas hésité à baptiser le père de l’une des victimes, et, lors de la Messe célébrée en faveur de la réconciliation entre les deux Etats coréens, il a salué, l’une après l’autre, des femmes âgées, que les Japonais avaient réduit en esclavage durant la seconde guerre mondiale (les «femmes de réconfort»). De même, on ne peut passer sous silence la visite du Pape François à la «Maison de l’Espoir», qui, à Kkottongnae, accueille une cinquantaine d’enfants handicapés physiques et mentaux, ainsi que la prière dans le jardin, parsemé de dizaines de croix blanches, dédié aux enfants victimes de l’avortement, et, bien sûr, les gestes affectueux qu’il a adressés aux réfugiés de la Corée du Nord, qui ont fui l’enfer communiste pour gagner Séoul au prix d’une véritable odyssée… Le Pape a donc montré concrètement ce qui constitue le cœur du message de l’Evangile et de sa propre mission de vicaire du Christ: comme Jésus et en son nom, le Saint.-Père a voulu rencontrer l’autre personnellement, spécialement le plus faible, le plus malheureux, pour lui annoncer la Parole du Salut, manifestée dans la Croix glorieuse, celle qui conduit au baptême, à travers des gestes de miséricorde, qui sont ceux du Christ Sauveur. Oui, par ses gestes de charité, le Pape a conquis le cœur de nombreux Coréens, qui ont compris que, à la lumière de la foi chrétienne, tous les hommes sont dignes d’être rencontrés et aimés, et donc pardonnés, c’est-à-dire sauvés. C’est donc bien le visage du Christ lui-même que le Pape François rendait visible par ses gestes de miséricorde.

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